Movies < Critiques Asie < Zatoichi




Réalisateur Takeshi Kitano
Acteurs Takeshi Kitano, Tadanobu Asano, Daike Yuko,Ittoru Kishibe...
Genre Chambara Kitanesque
Durée 1h56

 

Zatoichi est le dernier film en date de Takeshi Kitano, ce qui en soit est déjà un grand événement. Toutefois, ça n'est pas la première fois que les aventures du masseur aveugle sont adaptées au cinéma. Il y eu une vingtaine de film au bas mot, ce qui fait de Zatoichi une véritable institution au Japon. Pratiquement toujours interprété par Katsu, le masseur revient aujourd'hui dans la peau de Kitano, et vu la popularité de la série, autant dire que ce dernier n'avait pas le droit à l'erreur. D'autant plus que le film étant destiné à un large public (grosse production oblige) Kitano pouvait enfin se faire reconnaître en tant que grand réalisateur au Japon. Pression énorme donc, pour un film non moins énorme. Connaissant Kitano, il ne pourra pas se contenter de faire un blockbuster classique et il risque bien d'en surprendre plus d'un, moi y compris…encore.

Zatoichi est donc le nom d'un masseur aveugle, maître dans l'art du sabre et redresseur de torts à ses heures. Dans cet épisode, car ce film est bien un épisode d'une longue saga, Zatoichi aura à faire à une horde de yakusas et à un rônin ténébreux aussi talentueux que peu loquace. En effet, il se prendra d'affection pour deux geishas ayant une vengeance à accomplir. Voilà, c'est tout ce que je dirai sur le scénario, et de toute façon, je pense que c'est tout ce qu'il y a dire. C'est un film de sabre, c'est classique et efficace. Non ce n'est pas ici que Kitano se démarque des autres films de la saga. On pourrait s'attendre à un montage complexe à la Hana-Bi, mais là encore, Kitano reste dans le - presque - classique. C'est dans la réalisation qu'il prend tout le monde à contre poil, et ça fait plaisir. Le film est brillamment filmé, ça ne fait aucun doute, et on retrouve certains tics du réalisateur, les long plans fixes, les coupures surprises, etc… Mais Kitano, c'est encore et toujours des personnages, à la fois normaux, humains et déjantés, même Zatoichi, qui représente tout de même un monument de calme et de sagesse, y va de son moment de folie. Et là on rentre purement dans le style propre au réalisateur, qui marie à merveille toute sorte de personnages, tout en gardant une certaine cohérence dans le film : le gang de yakusas extrêmement bien organisé, le rônin ténébreux au lourd passé et à la quête héroique, les joueurs invétérés, mais aussi les geishas travello ou encore le fou qui veut devenir samourai et qui court dans tous les sens, arme au poing en poussant des cris de guerre… Un melting-pot de personnages travaillés et qu'il fallait oser mettre en scène. Imaginez un travello dans " le seigneur des anneaux " de Peter Jackson…

Le film possède de nombreuses qualités, techniques et artistiques : les décors et costumes sont remarquables, la photographie de très bonne qualité, les combats au sabre (et ils sont nombreux) sont chorégraphiés avec talent, et très bien interprétés (rappelons que Zatoichi est aveugle, Kitano devait donc se battre les yeux fermés). Mais le point qui a le plus retenu mon attention, et qui a mon avis est le plus réussi dans ce film, c'est l'humour. Alors on commençait à connaître les tactiques de Kitano concernant l'humour, avec le montage sec qui surprend, et c'est vrai que ça marche toujours aussi bien, je dirai même plus ça marche d'autant plus qu'on ne s'attend pas à voir ce genre d'humour dans un film de ce genre. De même, l'humour noir si cher au réalisateur est bel est bien présent, et très bien utilisé (certaines scènes sont hilarantes). Mais Kitano sait se renouveler, et fait ici quelques trouvailles techniques magnifiques. Je citerai surtout le jeu avec la musique et les percussions, à la fois étonnant, drôle et poétique, c'est simple, les bruitages du film s'enchaînent et constituent une mélodie, comme une troupe qui bâtit une maison (sons de masses, de scies etc…) , de paysans qui travaillent la terre, ou encore de gamins qui jouent dans la boue. Des scènes magiques qui aboutissent logiquement avec une scène de claquettes finale féérique. Et parlons en justement de la fin, complètement ahurissante, il s'agit tout simplement de ce que vous n'auriez jamais imaginé, incroyable que Kitano ait été aussi loin ! ! ! Je ne vous dévoilerai rien bien entendu, mais cette fin surprenante (mais qui ne l'est pas autant venant de Kitano) m'a renversé, et fait mourir de rire. Il faut le voir pour le croire…

Au niveau des acteurs, ce que je tient à dire en premier lieu, c'est que je suis profondément déçu de ne pas voir apparaître Susumu Terajima, qui aurait fait un yakusa sublime, mais bon, on ne peut pas tout avoir. Kitano joue bien son rôle, on n'a pas l'habitude de le voir en héro, d'habitude il campe plutôt le rôle du raté. Quoi qu'il en soit, Zatoichi est très convaincant, Kitano est définitivement un excellent acteur. A côté, et je devrais plutôt dire en face de lui, un monstre de charisme, sous le nom de Tadanobu Asano (Ichi the Killer) a qui le rôle de rônin surpuissant colle à merveille. Son personnage est très interessant, et bien exploité. Je pense qu'il s'agit du meilleur personnage du film. Dans le camp des acteurs fétiches de Kitano, on n'en recense que deux à l'appel, et c'est dommage vu le talent qu'on la plupart. Enfin, sont présent Ittoru Kishibe déjà vu dans le rôle d'un yakusa dans Violent cop et qui reprend ici son rôle à merveille et Daike Yuko, déjà aperçu dans Hana-Bi ou encore Kikujiro no natsu, elle joue ici un rôle important, puisque c'est une des deux geishas que protège Zatoichi. Un bon casting, mais j'espère que dans le prochain Kitano on retrouvera Susumu Terajima, Ren Osugi, Kurodo Maki et les autres…

Traditionnel paragraphe sur la musique, j'ai ici un point important à énoncer. La logique pousserai à penser que la musique est composée par le désormais célèbre Joe Hisaishi, illustre artiste dont je n'ai pas fini de vous parler. Et bien non, justement, sachez que Hisaishi et Kitano sont en froid depuis Dolls où ils ont eu une violence divergence d'opinion. Et voilà, un couple mythique qui s'effondre ! La musique est ici composée par Keichi Suzuki. Que ce soit clair, la musique n'est pas mauvaise, loin de là, il y a un énorme travail notamment sur les percussions, les mélodies sont bien trouvée etc… Seulement, on ne peut s'empêcher de penser à ce qu'aurait pu être le film avec la musique de Hisaishi. Ce dernier est tellement associé au style de Kitano qu'on ne peut plus imaginer l'un sans l'autre. Et le style de Suzuki est très différent de celui d'Hisaishi. Sentiment étrange au final, mélange de semi-satisfaction saupoudré d'amertume.

Au final, Kitano signe un très bon film. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est son meilleur, ni son moins bon. Zatoichi est résolument différent. Kitano a su s'adapter à un nouveau genre (le chambara), à un nouveau budget, mais n'a certainement pas perdu son talent. Dans un genre dès plus classique, avec une histoire classique, Kitano parvient tout de même à surprendre, et pousse le vice très loin. Il est le alors maître d'un nouveau genre cinématographique : le " block buster d'auteur ". Une réussite donc qui l'entraîne vers une meilleure reconnaissance du public et grâce à laquelle il pourra certainement mener à bien ses projets. Toutefois j'ai hâte de la retrouver dans un petit film à petit budget.

Aoshi

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