Réalisateur |
Tsui
Hark |
Acteurs |
Lin
Ching-Hsia,
Sally Yeh, Cherie Chung, Mark Cheng, Cheung Kwok-Keung,
Wu Ma, Kenneth Tsang, Lee Hoi-Sang |
Genre |
Divers |
Durée |
1
heure 42 |
Tsui Hark est un très grand réalisateur,
je pense qu'il n'est plus besoin de le démontrer après des films
tels que "Il était une fois en Chine", "Zu : les
guerriers de la montagne magique" ou même "Time &
Tide". C'est alors en toute confiance que je me suis procuré
ce "Peking opera blues" (qui, il faut dire était précédé
d'une réputation très flatteuse). Ce film, réalisé en 1986 est
ce qu'on pourrait qualifier d'un parfait melting-pot des genres.
Très difficile à catégoriser, on pourrait le qualifier de film
fourre tout. Le mélange des styles est donc ici à l'honneur
puisque sous fond d'intrigue politique, Tsui Hark signe une
"comédie sérieuse" avec des gunfight, du kung-fu et
des quiproquos en pagaille. Un mélange assez peu courant, et là
ou beaucoup de réalisateurs se sont emmêlés pour donner un film
bancal, Tsui Hark réalise une oeuvre très homogène où l'on
passe du rire aux larmes sans aucunes difficultés. Toute la force
du film réside donc dans ce mélange où les scènes s'enchaînent
à un rythme effréné sans jamais faire perdre le film au
spectateur. L'histoire nous emmène en 1913 et nous propose de suivre le
destin de 3 femmes : Cheung Hung, Pat Neil et Tsao Wan, l'une
survit en menant une vie de chanteuse-voleuse, une autre, fille du
propriétaire d'un opéra rêve de monter sur scène (le milieu de
la scène étant traditionnellement réservé à la gent
masculine) et enfin la dernière, fille d'un important général,
se bat pour la révolution, quitte à trahir son propre père. Le
destin les fera donc se rencontrer et une amitié très forte naîtra
peu à peu. Le scénario, dont la trame principale est la récupération
d'importants documents détenus par le père de Tsao Wan, nous emmène
cependant dans de multiples directions, enchaînant les
rebondissement avec brio. Fait assez rare pour être précisé,
ce sont des femmes qui ont le premier rôle. Des femmes qui se
battent dans un monde d'hommes. Chacun subit son statut (elles
représentent d'ailleurs chacune une des facette de la féminité)
d'une manière différente, mais en se serrant les coudes elles
finissent par prouver leur valeur. Toutefois, pour cela, elles
devront passer par de très dures épreuves et aucune n'en sortira
indemne. A des kilomètres des personnages habituels du cinéma de
Hong-Kong, ces femmes sont très "humaines", ce qui les
rend extrêmement attachantes. A femmes d'exception, actrices
d'exception puisque ce Peking opera blues est emmené par trois
des plus brillantes (et jolies) actrices de Hong Kong, j'ai nommé
Cherie Chung (que l'on retrouvera quelques années plus tard dans
le Once a thief de John Woo), Sally Yeh (la chanteuse aveugle de
The Killer) et Lin Ching-Hsia (l'inoubliable interprète de Zu).
Loin des jeunes filles en détresse hurlant à l'aide, nos trois héroïnes
redoubleront de courage et d'ingéniosité pour se sortir des
situations les plus inextricables. Elles seront aidées par deux
hommes : Ling (Mark Cheng) et Tung (Cheung Kwok-Keung) n'ayant
plus rien a perdre et prêts à aller jusqu'au bout pour leur pays
( à moins que ce soit pour les beaux yeux de leurs amies).
Ensemble, unis par une amitié à toute épreuve (et peut-être
plus) nos héros pourront accomplir des miracles. L'opéra tient une place très
importante dans le film, ça n'est tout de même pas pour rien
qu'il se nomme Peking opera blues. Le père de Pat Neil étant le
propriétaire d'un important opéra (l'ancêtre de cinéma, ce qui
est marquant ici). Il faut préciser que dans l'opéra chinois, il
n'y a pas de femmes, tous les rôles y compris ceux de femmes sont
joués par des hommes. Pat Neil se bat donc pour prouver qu'elle
peut faire des prouesses sur scène. Et à la manière de Pat
Neil, ce Peking Opera blues, indubitablement un film de femmes,
vient bousculer le cinéma hong-kongais, jusqu'alors très
masculin. Tsui Hark chamboule encore une fois l'ordre établi en
faisant une ode à la féminité dans un monde où les personnages
féminins sont bien souvent relégués au second plan, servant de
faire valoir aux personnages masculins. Le tout est filmé d'une main de maître
par le grand Tsui Hark, qui signe quelques plans d'une beauté
magistrale. Ce qui impressionne le plus, c'est que ce diable
d'homme filme une oeuvre très sérieuse, voire dramatique, sur le
ton de la comédie, mais qu'à aucun moment l'un prend le dessus
sur l'autre. On assiste tantôt à une scène hilarante, avec des
gags très visuels (jamais trop niais comme on pourrait le
reprocher à certains films de l'ex-colonie) sans jamais de
mauvais goût , tantôt à des scènes dramatiques, violentes et
émouvantes. Le tout s'enchaîne à la perfection, sans fausses
notes, on n'est jamais frappé par le fait qu'une scène fait défaut
au reste et c'est là tout le génie de Tsui Hark. Pour donner un
exemple, je citerai certain films de Samo Hung, qui, partant comme
une pure comédie, légère et drôle, se voit haché par des scènes
très violentes, pas dans le ton du film. Ici, quiproquos, gags,
fusillades et meurtres font bon ménage, créant un tout. A
signaler que Tsui Hark met en scène de très belles gunfight,
rapides et violentes saupoudrées de cascades, et dont l'apothéose
réside dans la scène finale, entièrement au ralentit, d'une
rare intensité. Un sans faute. A noter également que les scènes
d'action sont à mettre sur le compte de Ching Siu-Tung, immense
chorégraphe de son état, et qui ne fait ici pas défaut à sa réputation
en créant des combats rapides et puissants, sans jamais trop en
faire, ni trahir le rythme du film. Pour finir, cette critique n'en
serait pas une si je ne vous parlais pas de la musique. Surtout
dans le cas présent, car non content d'être un des meilleurs
films de Hong-Kong, Peking opera blues se voit gratifier par James
Wong d'une des plus belles bande originale. A l'image du film,
celle-ci est tantôt mélancolique, douce et triste, tantôt légère
et entraînante, avec en prime une magnifique chanson. Inoubliable
à bien des égards. Il n'y a rien a faire, impossible
de trouver un défaut à ce film monumental, si ce n'est qu'il
n'est pas sortit en France. Car Peking opera blues est une perle,
un joyau, peut-être le meilleur film de Tsui Hark (du moins mon
préféré) et qui très illogiquement est moins connu que
"Il était une fois en Chine". Un film à voir, à
revoir, à apprécier comme une oeuvre puissante et intense ou
comme un grand divertissement, un film à apprécier tout court.
Une oeuvre phare du cinéma de Hong-Kong à ne manquer sous aucun
prétexte.
Aoshi
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