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Réalisateur Jang Jin
Acteurs Shin Hyun-Jun, Shin Ha-Kyun, Jung Jae-Young, Won Bin
Genre Polar/Comédie
Durée 2 heures 03 minutes

"Guns" flingues et "Talks" parlottes, deux mots signifiant à eux seul toute la symbolique du film. Etonnamment, ce sont les dialogues qui priment ici, délaissant quelque peu les meurtres et compagnies, caractéristiques premières du "tueur" : "Un tueur est avant tout une personne dénuée de tout état de conscience, engendré par un manque flagrant de pitié. Généralement, ce dernier suit des règles et ne doit en aucun cas les transgresser, au risque de se mettre lui même en danger. Ce statut ne leur concède aucun sentiment à l'égard de leur victime". A l'inverse de ce classicisme, Guns and Talks doit être percu comme un polar où s'allie de l'action, de l'humour et surtout des situations complétement loufoques.

Jugez par vous même. Quatres tueurs professionnels vivent paisiblement de leur rente. Leurs contrats sont supervisés par le professionnalisme du chef de bande qui leur permet de réaliser chaque meurtre avec une finition sans égale. Chaque petit détail devient un impératif qu'il leur faut respecter à la lettre. Tueur sans pitié durant le boulot, ces joyeux lurons n'ont rien perdu du plaisir de la vie et en profitent pleinement le reste du temps. Très timide devant la gent féminime, ils se sentent soudain très proche quand arrive une rencontre avec le sexe opposé (la scène volontairement niaise où l'un d'eux tombe amoureux). Des tueurs mais surtout des humains haut en couleur qui ne se privent pas des bonnes choses de la vie rendant celle ci encore viable. Les scènes cultes s'enchainent dans une ribambelle de fous rires qui alimentent une sorte d'affection envers des personnages au demeurant très simplistes, voire enfantins comme la scène où l'on voit ces quatres "tueurs sanguinaires" fantasmer sur une présentatrice télé. A ne pas confondre avec le fantasme pervers de tout obsédé (homme normalement constitué) qui se respecte, bien au contraire, il ici question d'un amour à sens unique, passionnel, limite obsessionnel avec lequel on se sent l'âme d'un poête. Celui qui nous donne des ailes, nous attendrit au point de vouloir protéger une personne par tous les moyens.

Mais en tant que polar, le film est parfois contraint de revenir à ses débuts, ainsi, des contrats, des poursuites et des fusillades seront par moment le quotidien de ces tueurs... Tout ce qu'un bon polar a besoin d'affirmer pour ne pas tomber dans la monotonie, en associant des scènes de rigolades avec des passages plus violent, bien que la scène de l'opéra soit d'une très grande poésie. De ce fait, le film garde une certaine hétérogénéité. Le rythme est alors maintenu tout au long du film et le spectateur ne reste à aucun moment sur sa faim, ravi d'avoir suivi les péripéties de ces tueurs particulièrement attachant rendant leur métier plus noble qu'à l'accoutumé. D'un autre côté, les flics sont montrés sous un autre jour, prêt à tout pour arriver à leur fin. En effet, le flic chargé de l'affaire n'hésite pas à s'introduire dans la maison de ses suspects, et le plus étonnant, c'est qu'il préfère se familiariser avec eux plutôt que de chercher des indices, quitte à passer outre le protocole. Paradoxalement, ce dernier cherche la confrontation, "jouant" au gendarme et au voleur avec ses suspects. Qui est le gendarme et qui est le voleur, c'est à nous d'en tirer nos propres conclusions. C'est le monde à l'envers comme dirait l'autre quoique...pas tant que ça.

Niveau technique, la photographie est sublime, film coréen oblige. Guns and talks offre des couleurs très appuyées, d'une créativité sans pareille. Je pense à la scéne de théatre, quand la chanteuse traverse la salle entourée de pétales de roses rouges, chantant la venue d'une fin annoncée. L'éloge funéraire d'une mort théatrale qui au plus profond de sa tragédie vacille entre la réalité et le doute. Des couleurs savamment utilisées pour un film à l'ambiance enjouée, le tout mené de main de maître par des acteurs au charisme indéniable "ou" au look délirant, celui du boss par exemple. Cheveux en pétard, regard très démonstratif ainsi que des chaussures en parfaite contradiction avec le reste de ses fringues. Des petits détails, certes, mais très amusant à relever. Par ailleurs, les personnalités varient beaucoup entre les personnages, créant de nombreuses querelles, mais en définitive, il y a un sujet où ils restent plus ou moins d'accord : Quelles sont les limites à ne pas dépasser? En clair, où est le bien et où est le mal? Certes, la frontière est bien réélle mais à défaut de recevoir le revers de la médaille, cette bande de tueur sait faire la différence, ce qui, comme je le disais, ne leur facilite pas vraiment la tâche. Enormément de remises en question qui convergent toutes vers le même point: "Pourquoi faisons nous cela?" La conclusion est souvent identique: "Ils ont l'air désespéré et nous sommes les seuls à pouvoir y remédier". Sans véritablement s'en rendre compte, c'est à travers leur métier qu'ils véhiculent le plus de bien être. Le monde leur a confié une mission, un mode de vie qu'ils ont bien voulu arborer et qui leur permet de parfaire une existence rempli de contradictions et de désagréments. Beaucoup de philosophie pour un film qui ne l'est pas moins.

A l'instar de la photographie, les procédés visuels tels que le "le bullet time" ou l'écran splitté en deux, voire trois écrans sont parfaitement exploités. On voit bien que les techniciens connaissent leur métier. Du second procédé, on retiendra une scène particulièrement fendart où l'un des tueurs (Shin Ha-Kyun) raconte à ses trois potes pourquoi il n'a pas pu atteindre sa cible. L'écran de gauche montre le tueur en pleine narration de ses actes et l'écran de droite représente la scène en question. Matraqué par des sous entendus du genre "T'avais mis le silencieux?" "La fenêtre était ouverte?", la scène se modifie au gré des réponses de Shin Ha-Kyun sous les regards suspicieux de ses trois compères. Une scène hilarante!

Comme à mon habitude, je finirai sur la musique qui, au risque de me répéter, constitue pour moi un point essentiel. Peu importe le support utilisé, tant que l'émotion substiste, cela m'est complétement égal. Chose étonnante, Guns and talks a réussi à m'éblouir avec ses thèmes aussi bien mouvementés (Pop coréen) qu'orchestrale (la scène de l'opéra). Pour un film de ce genre, le pari est réussi haut la main.

Le film jongle entre les genres, du polar en passant par la comédie, sans pour autant se confondre avec un "fourre tout " imcompréhensible. C'est d'ailleurs cette ambivalence qui permet au film de garder un semblant de sérieux.
Après FAILAN et son drame aux frontières de l'au dela, MUSA et sa fresque épique, CHINGU et son histoire autobiographique émouvante au possible, 2009 lost mémories et son blockbuster digne des meilleurs films d'actions, TELL ME SOMETHING et son thriller fracassant, VOLCANO HIGH et ses héros à l'humour complétement décalé ... GUNS & TALKS me familiarise à un autre aspect du cinéma coréen, celui des polars humouristiques matinés d'actions. Maintenant, je peux dire que la corée nous fait profiter du ciné le plus innovant que la terre ait portée en variant les genres d'une manière très "pro". Merci la corée!


Tequila

Le 4/04/2002

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